État des réseaux communautaires au Burkina Faso
Introduction
Depuis la naissance du web, Internet s’est développé de façon irrémédiable, et bien qu’il existe des gaps très importants, le Burkina Faso n’a pas été en reste de ce développement. En effet, dès le début des années 90, les premières connexions se mettaient en place, ce qui s’est intensifié au début des années 2000 grâce à la libéralisation du secteur. En dépit de ce développement, près de 70 % de la population, pour des raisons financières ou géographiques ne sont toujours pas connectées à internet. Nous explorons dans cet article, l’opportunité d’exploiter les réseaux communautaire pour connecter les non connectés afin d’atteindre l’objectif de l’accès universel au Burkina Faso.
- Ouverture à la concurrence et développement des inégalités
Dans le cadre de sa politique de réformes structurelles visant la libération de l’économie et l’amélioration de la compétitivité, le gouvernement du Burkina Faso a engagé dès 1998, des programmes de restructuration du secteur des télécommunications dont la mise en œuvre s’est traduit entre autres par la mise en place d’un environnement concurrentiel avec au moins deux (02) opérateurs mobiles privés. Cela a eu pour conséquence l’arrivée d’autres opérateurs en plus de l’opérateur historique, qui était seul à vendre le service d’accès à internet.
En 2018, le pays comptait une trentaine de fournisseurs d’accès internet avec un total d’abonnés de 1513, un opérateurs d’internet fixe avec 14925 abonnés et trois opérateurs d’internet mobile avec 6369336 abonnés. La croissance annuelle moyenne du nombre d’abonnés à internet des sept dernière années est supérieure à 50 %. L’ouverture à la concurrence du secteur a eu pour revers de développer l’offre seulement dans les zones géographiques économiquement fiables pour les opérateurs, en l’occurrence les zones urbaines. Ce qui a laissé une grande partie de la population en marge de la marche du monde, et des opportunités d’Internet.
- Insuffisances du service universel
Conformément à la réglementation des réseaux et services de communications électroniques au Burkina Faso, l’État doit prendre les dispositions pour garantir l’accès et le service universelle a la population. Sont inclus dans ces obligation de l’État:
- l’accès haut débit à internet et aux services accessibles via les réseaux de transport électroniques, en particulier les services adaptés aux besoins des populations locales ;
- la disponibilité dans les villes et villages de points d’accès publics aux services de communications électroniques ;
Dans un premier temps, cela doit se faire dans le respect du jeu de la libre concurrence. Au cas ou la loi du marché défavorise des zones géographique, non rentable pour les opérateurs, l’État a mis en place un fond, appelé fond pour l’accès et le service universel. Ce fond est alimenté chaque année par 2 % des chiffres d’affaires net hors taxe des services de détail et de gros fournis dans le cadre de la licence individuelle par les opérateurs et prestataires de services. Au terme des disposition décret N° 2011-093/PRES/PM/MPTIC/MEF du 28 février 2011, une stratégie nationale visant à décliner en axes stratégiques et en actions les objectifs de service et d’accès universels par période de 5 ans doit être adoptée en conseil de ministre. En l’absence d’une telle stratégie, jusqu’en 2017, les activités dans le domaine de l’accès et du service universels se résumait principalement à l’édition de l’annuaire téléphonique à l’établissement et en la gestion du plan d’acheminement des appels d’urgence. Entre 2017 et 2018, le fond a service au paiement de l’avance de démarrage du projet backbone national, à la couverture de 8 villages dans le sahel par le réseau GSM, à la production de contenus de vulgarisation et diffusion des informations agricoles, au profit du monde rural, à la mise en place d’un centre de traitement des appels de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers et au financement de l’interconnexion et la fourniture de la connectivité des universités publiques du Burkina Faso. Ce dernier projet est toujours en cours de réalisation. Au vu de ce résultat, nous observons que le fond n’a pas contribué de façon substantiel à améliorer l’accès à internet pour les non connectés.
- Les réseaux communautaires à la rescousse
Partant du constat qu’internet est un puissant vecteur de développement économique et social, et au vu de l’échec des opérateurs et de la faiblesse des politiques à leur fournir un accès descend à internet, les populations exclus prennent les choses en main. En effet, depuis un certains temps, des modèles « alternatifs » d’offres de réseaux se sont répandu. Dans ces modèles, au lieu que les réseaux soient déployés par des entreprises, ils le sont par les communautés elles-mêmes, souvent autour de coopératives ou d’associations. Ces initiatives ont été beaucoup facilitées par la réduction des coûts des équipements réseaux, ainsi que de l’accès à la bande passante internationale. Dans la pratique les déploiements prennent plusieurs formes selon le besoin et l’état de l’infrastructure. Pour les zone disposant d’un accès filaire à internet, les réseaux peuvent consister à mettre en place un ou plusieurs points d’accès WI-FI public à internet. Au cas ou le réseau filaire est disponible dans une ville voisine, il est possible de réaliser un pont radio, puis diffuser le signal à travers un réseau WI-FI. La troisième option est valable pour les zone traversées par un réseau fibre optique. Dans ces cas, une interconnexion peut être faite à travers le réseaux fibre optique, puis le réseaux WI-FI viendra diffuser le signal pour toute la communauté. Les réseaux communautaires, ont déjà fait leur preuves à travers le monde, mais ne sont pas encore mis en œuvre au Burkina Faso.
- État du cadres réglementaire
Au niveau national, le cadre réglementaire est assez favorable au déploiement des réseaux communautaire. En effet, conformément à la loi portant réglementation générale des réseau et service de communication électronique, la fourniture d’un service d’accès à internet est soumis au régime de l’entrée libre. Il n’y a donc ni licence, ni autorisation à avoir au préalable. Une déclaration d’intention d’ouverture dudit service est suffisant. En outre, conformément à la loi portant liberté d’association, il est relativement facile de mettre en œuvre une association qui pourra opérer le réseau conformément à la loi. Enfin, les réseaux communautaires exploitent massivement la normes 802.11, qui est libre d’utilisation.
- État de développement de l’infrastructure
En plus de l’ADSL fournit par l’ONATEL qui couvre pratiquement tous les 45 chefs lieux de province, l’État a déployé un réseau fibre optique à travers plusieurs projets. Premièrement, le projet régional d’infrastructure de communication de l’Afrique de l’Ouest-Burkina Faso (PRICAO-BF), financé par la banque mondiale pose la fibre optique sur un linéaire de 307km. En plus du PRICAO, nous avons la phase 1 du projet backbone national qui déploie un linéaire de 2001 km de fibre. Enfin, nous avons le projet de Cloud Gouvernemental qui déploie 650 km de fibre optique en longue distance. Ces projets, qui parcourent tout le pays traversent un grand nombre de communes rurales, et constituent une bonne infrastructure de base pour déployer les réseaux communautaires dans les zones traversées.
- Sources de financement
Bien que de moins en moins onéreux, la mise en place d’une réseau communautaire nécessite un minimum de budget. Les ressources financières serviront principalement a acheter les équipement réseaux, l’expertise pouvant venir des communautés locales dont des universités partenaires. Au niveau national, il n’y a pas de mécanismes déterminés de financement des réseaux alternatifs tels que les réseaux communautaires. Cependant, plusieurs bailleurs possibles peuvent être identifiés. Dans un premier temps, nous pouvons citer les sociétés minières, qui dans le cadre de leurs activités sociales, au même titre de la construction de fontaine d’eau, peuvent financer des projets de réseaux communautaires, qui peuvent être destinés a un secteur spécifique tel que l’éducation.
En outre, dans le cadre des projets de constructions de routes mis en œuvre par l’État et en collaborations avec ses partenaires, il est possible dans une dynamique de soutien au développement du numérique, et avec l’appui du ministère du numérique, d’avoir des financement pour des réseaux communautaires dans les zones traversées.
Au niveau international, la plus importante source de financement est le programme beyond the net de la fondation internet society. En effet, ce programme offre chaque année des bourses aux chapitres et aux groupes d’intérêts spéciaux. ISOC s’intéresse tout particulièrement au réseaux communautaire après avoir fait la preuve de son impact sur le développement de l’accès à internet pour les communautés rurales.
- Conclusion
Alors que le monde s’interconnecte et se transforme à travers le numérique, des communautés sont encore dans l’obscurité. Alors que les peuples s’intègrent et communient à travers Internet, des laissées pour compte se compte par millions. La raison d’exister d’internet Society est d’œuvrer à faire d’Internet une ressource publique, sure et partagée, ce qui implique d’œuvrer à connecter les non connectés. La mise en œuvre de réseaux communautaires au Burkina est une opportunité pour, au-delà de fournir un réseau, activer des opportunité de développement économique et social. Il est donc nécessaire et urgent de profiter du cadre réglementaire existant pour développer des partenariats afin de construire des réseaux dans les quatre coins du pays, sur le long du tracé de la fibre optique. Afin, d’induire les effets semblables au passage du bitume, ou du passage du rail dans les temps jadis.